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Bella Freud et le Style comme Reflet de l’Inconscient

  • Eduarda Sodré
  • 5 juin
  • 6 min de lecture

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Arrière-petite-fille du légendaire père de la psychanalyse, Sigmund Freud, Bella Freud porte dans son nom un puissant héritage intellectuel. Mais au lieu de suivre les chemins traditionnels de la psychologie clinique, elle a tracé sa propre voie dans l’univers de la mode, sans jamais délaisser les grandes questions de l’âme humaine. Créatrice britannique reconnue, Bella se distingue par sa capacité à faire dialoguer deux domaines qui, à première vue, semblent éloignés : la mode et la psychologie. Pour elle, les vêtements que nous choisissons de porter chaque jour vont bien au-delà de l’esthétique, ils sont langage, identité, mémoire et émotion.


Dès l’enfance, Bella a développé une perception fine du vêtement. Elle a très tôt compris que la mode n’était pas seulement une affaire de tendances, mais une manière de dire qui nous sommes, de nous protéger du monde et parfois même de nous protéger de nous-mêmes. « Ce que nous portons en dit long sur ce que nous ressentons, sur la manière dont nous voulons être perçus et sur ce que nous essayons de cacher ou de révéler », affirme-t-elle. Avec cette vision complexe et humanisée, elle propose une lecture émotionnelle de la mode, transformant la garde-robe en miroir de la psyché.


Cette perspective remet en question la vision dominante qui associe encore souvent la mode à la superficialité et à une consommation vide de sens. Vue à travers le regard sensible de Bella, la tenue devient une manifestation symbolique d’expériences émotionnelles, de conflits internes et même de mécanismes de défense inconscients. Au lieu de simplement couvrir le corps ou suivre les tendances, l’acte de s’habiller devient un geste porteur de sens, capable d’exprimer des dénis, des désirs, des insécurités ou des affirmations. Chaque choix, aussi banal soit-il, peut contenir une narration subjective. La mode, dans ce contexte, n’est pas futile, elle est intime, silencieuse et souvent thérapeutique.


Le lien entre l’habillement et la construction de l’identité est également central dans son approche. Les vêtements que nous portons évoluent avec les étapes de la vie, reflétant souvent non seulement un changement de style, mais aussi des transformations intérieures. À l’adolescence, par exemple, le vêtement peut à la fois exprimer le désir d’appartenance à un groupe et la volonté d’affirmer sa singularité. À l’âge adulte, les choix esthétiques peuvent accompagner des processus de maturité, de rupture émotionnelle ou de réinvention personnelle. Ainsi, la mode devient à la fois témoin et complice du parcours de connaissance de soi.


C’est avec ce regard introspectif que Bella a donné naissance au podcast Fashion Neurosis, un espace où la mode et la psyché se rencontrent de manière inattendue et puissante. La question qui guide chaque épisode, « Pourquoi avez-vous choisi cette tenue aujourd’hui ? », sert de point de départ à des conversations profondes sur les sentiments, les traumatismes, les désirs et les insécurités. À travers chaque invité, le programme dévoile comment des choix en apparence anodins peuvent révéler des couches inconscientes. Ce podcast, plus qu’une discussion sur le style, agit comme une séance d’analyse déguisée où le vêtement ouvre la voie à des récits émotionnels et des souvenirs affectifs.


Ce format met en lumière à quel point le quotidien est traversé de significations que nous ignorons souvent. Le vêtement, comme les rêves ou les lapsus en psychanalyse, peut contenir des symboles et des messages latents. Ce que nous portons peut être armure ou vulnérabilité, cela peut révéler une facette ou en dissimuler une autre. Il y a toujours une tension entre exposition et protection, entre ce que l’on veut montrer et ce que l’on cherche à cacher. La surface du corps habillé devient alors un lieu d’expression émotionnelle, un reflet des contradictions et des complexités qui habitent chacun de nous.


Dans cette intersection entre le soi et l’autre, la mode prend aussi une dimension sociale. Elle ne se limite pas au désir individuel, mais dialogue en permanence avec les normes, les attentes et les standards collectifs. Si elle permet l’affirmation personnelle, elle impose aussi des défis de reconnaissance et d’appartenance. Ce que nous choisissons de porter porte le poids du regard de l’autre, des conventions de beauté et des codes culturels. Un subtil affrontement naît alors entre authenticité et adaptation. Jusqu’où restons-nous fidèles à nous-mêmes en nous habillant ? Et combien sommes-nous prêts à céder pour être acceptés ?


Avec sa voix douce et bienveillante, Bella transforme l’acte de s’habiller en un chemin d’écoute et d’introspection. Chaque pièce, un manteau, un collier, une paire de chaussures, est considérée comme une porte d’entrée dans l’univers émotionnel de celui ou celle qui la porte. Dans ses réflexions, elle déconstruit l’idée que la mode est frivole et révèle sa puissance comme langage affectif et outil de construction subjective. S’habiller, dans sa lecture, peut aussi bien dissimuler la douleur que célébrer la joie, être symbole de résistance, mémoire affective ou tentative de réconciliation avec son propre corps.


Cette dimension sensible de la mode se manifeste aussi dans la relation entre le corps et le vêtement. La manière dont nous habillons certaines parties de notre corps peut révéler des zones de confort ou de conflit, des désirs de cacher ou de montrer, des gestes de tendresse ou d’autocensure. Souvent sans en avoir conscience, nous utilisons nos vêtements comme des extensions du toucher, comme des barrières de protection ou comme des manières de modeler ce que nous voulons ressentir. En habillant le corps, on touche aussi la psyché et, ce faisant, on reconfigure, ne serait-ce que momentanément, la manière dont on se perçoit et se positionne dans le monde.


Comprise comme un geste émotionnel, la garde-robe cesse d’être un simple ensemble de biens de consommation pour devenir un territoire d’élaboration intérieure. Chaque tissu, chaque coupe, chaque couleur peut contenir des sensations spécifiques, servant de canal de régulation émotionnelle et de communication silencieuse. Des questions comme « Que me fait ressentir ce vêtement ? » ou « Comment modifie-t-il ma présence dans l’espace ? » prennent alors tout leur sens. En s’habillant, le sujet ne se contente pas de se parer. Il s’affirme, se protège, se revisite. Le corps devient ainsi une scène symbolique où identité et affectivité s’entrelacent.


La psychanalyse, avec son attention portée au symbolique et à l’inconscient, offre une lentille précieuse pour interpréter ces manifestations subtiles. De la même manière que les rêves peuvent révéler des désirs refoulés ou des conflits non résolus, les vêtements portent aussi les traces d’histoires personnelles, de références affectives et de fantasmes latents. Une robe peut évoquer l’image d’une figure maternelle, une veste rappeler une période de rébellion, une paire de chaussures symboliser la force ou la fragilité. Le corps habillé devient alors une surface où le contenu émotionnel prend forme, texture et présence.


Dans une interview à la BBC, Bella a partagé un souvenir marquant de son enfance. Le jour où, à dix ans, elle a enfilé un t-shirt de garçon et, en se regardant dans le miroir, a ressenti une force inédite. Ce sentiment d’empowerment, né d’un simple geste, l’a accompagnée toute sa vie. C’est à partir de cette expérience qu’elle a compris à quel point s’habiller impacte non seulement la façon dont nous sommes perçus, mais surtout la manière dont nous nous sentons et nous habitons. Pour elle, la mode est un chemin d’expression émotionnelle, une extension visible de ce qui nous traverse intérieurement.


Ce premier épisode illustre parfaitement comment les vêtements peuvent fonctionner comme des activateurs d’états émotionnels et des marqueurs symboliques d’identité. Le choix d’une pièce peut non seulement refléter un état d’esprit, mais aussi provoquer une transformation intérieure. Dans ce geste, il y a une opportunité d’élaborer et de donner forme à ce que, bien souvent, nous ne parvenons pas à nommer. La mode cesse alors d’être une fin en soi pour devenir un moyen, moyen de connaissance de soi, d’élaboration affective et de reconfiguration de notre présence au monde.


À l’intersection de la mode et de la psychologie, Bella Freud ouvre un espace fertile de réflexion sur la condition humaine. Plus qu’une styliste, elle se révèle comme une interprète de l’âme à travers le tissu. Son œuvre nous invite à voir l’habillement comme une pratique d’écoute de soi, un rituel qui dépasse le miroir et atteint les couches les plus profondes de l’être. La mode, dans sa vision, ne parle pas de consommation ou de vanité. Elle parle de raconter qui nous sommes, même quand nous ne le savons pas encore. Elle parle d’humanité.




Salut, lecteur SF! Que dit ta tenue sur toi, même quand tu ne dis rien?

 
 
 

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